Le Musée éphémère d’Anne Simon
À l’occasion de sa 15e édition, le SoBD installe une rétrospective d’Anne Simon au Musée éphémère : une sélection d’environ 80 pièces extraites de travaux et d’œuvres originales, s’étalant sur plus de 20 années permettra de présenter l’œuvre de l’invitée d’honneur du SoBD 2025.
Le Musée éphémère du SoBD sera ouvert les 5, 6 et 7 décembre, dans la Halle des Blancs Manteaux. L’entrée est libre et gratuite.
Anne Simon, fantaisie trash
par Lauren Triou
Anne Simon découvre très tôt, dans son enfance deux-sévrienne, le double plaisir de lire et de raconter des histoires. Enfant dans les années 1980, elle se rêve déjà l’autrice de Fantômette, à qui elle préfère ses seconds couteaux, Ficelle et Boulotte, héroïnes de ses tous premiers fanzines. Adolescente, elle est durablement marquée par l’esthétique pneumatique des frites que vante à la télévision la marque Végétaline. Et elle écoute les Beatles. Jeune femme, elle lit Simone de Beauvoir sur invitation maternelle et prend conscience de sa condition féminine. Tout en écoutant les Beatles. Étudiante, elle découvre la plénitude de l’association texte-image à l’École supérieure de l’image d’Angoulême puis aux Arts Décos de Paris. Et écoute toujours les Beatles. Laissez reposer tout cela, ajoutez des influences littéraires en pagaille, quelques rencontres déterminantes, à commencer par celle d’El don Guillermo à l’EESI d’Angoulême, et une conscience aiguë du drame caustique d’être au monde, et PAF ! vous obtenez : Anne Simon, une bonne quinzaine d’albums à son actif, et dix de plus au sein de collectifs.
Sa carrière en bande dessinée commence en 2004 par un concours Jeune talent du Festival d’Angoulême, remporté avec une histoire aussi acide que noire, qui présage son travail à venir : une héroïne y fait joyeusement poêler… le pénis de son compagnon. Fallait pas la titiller. En parallèle de ses publications dans les revues « Dopututto », chez Misma et « Lapin », à l’Association, Anne Simon dessine pour la presse et l’édition jeunesse, illustre des histoires pour Bayard, Albin Michel, Milan… En bande dessinée, elle réalise un premier album annonciateur chez Michel Lagarde (Perséphone aux enfers, 2006) et inscrit son œuvre collaborative dans le réel. Elle raconte chez Dargaud les vies de Freud, de Marx et d’Einstein avec Corinne Maier. Avec Catherine Sauvat, elle s’attaque au grand-œuvre et aux passions érotiques de l’écrivain Léopold Von Sacher Masoch (L’Homme à la fourrure, 2019). Anne Simon dissèque aussi le monde de la grande-distribution contemporaine dans le bien-nommé Encaisser (d’après la thèse de Marlène Benquet, Casterman, « Sociorama », 2016) et explore la Renaissance pour la série « Histoire dessinée de la France » (la Découverte / La Revue Dessinée, 2019).
Mais à côté de ces albums indépendants qui ancrent son travail dans le documentaire, l’Histoire et les idées, Anne Simon tisse aussi depuis plus de vingt ans aux éditions Misma une saga personnelle aux accents balzaciens : Les Contes du Marylène. Ce pays fantaisiste à la géographie poétiquement déliquescente, façon carte du Tendre, est le siège de renversements de pouvoir spectaculaires. On y voit se succéder sur le trône Victor Von Krantz, tyran saurien violeur et sanguinaire inspiré de Kadhafi, la reine Aglaé, carpe progressiste et fonceuse mais victime de l’ambition de son caillou de fils. Puis Boris l’enfant-patate, mortel inventeur de l’opium du peuple et du capitalisme, et enfin Simone Michel, volatile féministe inspirée dont les meilleures intentions paveront la voie aux pires dérives ! Et encore, on ne vous parle pas des personnages secondaires, aussi savoureux chez Anne Simon que leurs souverains : Damien le gentil crocodile ratatouilleur, Sabine la cheffe d’une armée de frites fessues, Gousse et Gigot, les sœurs suppliciées et fusionnelles, Cixtite l’impératrice castratrice de Tchitchinie…
En six volumes parus depuis 2012, Anne Simon élabore une fresque médiévale théâtrale en forme d’hommages digérés, de caméos littéraires, et d’anecdotes véritables, mêlées à des inventions absurdes révélatrices du goût de l’autrice pour la création sous contrainte. Le résultat est un petit monde aussi réjouissant que désespérant : comme la vraie vie, mais dans un ailleurs onirique. La forme de la saga du Marylène témoigne aussi de ce mode d’écriture, entre structure et expérimentation. Elle est prévue en dix volumes, selon une chronologie bien établie, et peuplés de personnages bien définis. Et pourtant, Anne Simon travaille sans storyboard et improvise ses planches directement à l’encre. Chaque volume peut se lire indépendamment des autres et l’histoire n’est contée de façon ni linéaire ni chronologique. Elle s’étoffe en lasagnes, est émaillée d’interludes, de pas-de-côté documentaires, de flash-backs en couleurs, et d’épisodes spin-off. Ce sont autant d’occasions pour la dessinatrice de varier les compositions et les rythmes, tantôt séquences dialoguées itératives, tantôt compositions ad hoc ornementées, ou encore pleines pages illustratives et leurs myriades de saynètes. Mais le trait à la plume, lui, est une constante. Anne Simon est une gratteuse, qui multiplie croisillons, ombres et motifs, et revendique pour ce noir et blanc habité l’influence de Julie Doucet. Elle y puise sans doute aussi un certain réalisme social trash appliqué à ses personnages. Surtout les hommes, qu’elle malmène plus volontiers que les femmes, dit-elle. Allez, c’est de bonne guerre. Et puis, rassurez-vous : il y en aura pour tout le monde !
En voici un petit aperçu des planches originales pour vous mettre en appétit :
Anne Simon en quelques mots…
Anne Simon est une autrice-illustratrice, née dans les Deux-Sèvres en 1980, qui aime raconter des histoires, aussi bien dans divers magazines jeunesse, la presse féminine que dans des bandes dessinées. Diplômée de l’ESI d’Angoulême, puis des Arts Déco de Paris, son travail est récompensé dès 2004 pour son premier livre Perséphone aux enfers (2006, éditions Michel Lagarde), par le prix Jeunes Talents au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Membre active des éditions Misma et de la revue indépendante Dopututto, elle y développe l’univers du pays du Marylène, fil rouge de sa carrière. Au fil des 6 tomes de la saga des Contes du Marylène, l’autrice questionne notamment la folie de la prise de pouvoir, la place de la femme dans la société… Autant de sujets de société qui sont le terreau de ses lectures et qui l’animent. Dans ses collaborations, ses dessins à la plume et à l’encre de Chine servent les thèmes politiques, historiques et sociaux qui lui tiennent à cœur.
Master Class
d’Anne Simon
Vendredi 5 décembre
de 16h45 à 18h15
Chaque année, le SoBD propose aux artistes amateurs comme professionnels, débutants ou avertis, des rencontres exceptionnelles d’une heure et demie avec de grands auteurs de bande dessinée. Pendant près des deux tiers du cours, Anne Simon vous présentera l’une des facettes de sa pratique qu’elle juge primordiale.
Afin de poursuivre l’échange dans un cadre convivial, finissez la journée avec un dîner en petit comité en compagnie d’Anne Simon.
[Inscriptions et plus d’infos]

Dans l’Atelier d’Anne Simon
Tables rondes
Cycle des invités d’honneur
Samedi 6 décembre
de 14h à 17h
Salle 1
Le Cycle des invités d’honneur, ce sont trois tables rondes avec Anne Simon, Lucie Servin et d’autres invitées. On discutera de l’œuvre et du parcours d’Anne Simon, à laquelle Lucie Servin, journaliste, a consacré plusieurs articles. Programme complet en suivant le lien ci-dessous.
[Plus d’infos sur les rencontres & inscriptions]

Cixtite impératrice, détail.
Ça se passe où ?
Le Musée Éphémère d’Anne Simon
est installé
à la Halle des Blancs-Manteaux
Il est accessible
le vendredi 5 décembre de 15h à 20h
le samedi 6 décembre, de 11h à 19h
et le dimanche 6 et 7 décembre, de 11h à 19h.
L’entrée est libre et gratuite

Musée éphémère de Fabrice Neaud. SoBD 2024. Photo Susy Lagrange
Comment y aller ?
Metro lignes 1 et 11 : Hôtel de Ville
ligne 1 : Saint-Paul
ligne 11 : Rambuteau
Ligne 8 : Chemin Vert
Bus 29, 67, 69 : rue vieille du temple
75 : Archives-Rambuteau